Depuis qu'ils se connaissaient, c'était la première fois que les deux jeunes gens avaient une conversation si personnelle. Milo avait donné l'occasion à Morgane de se dévoiler un peu plus et de susciter son intérêt, et pour le moment elle jouait le jeu.

« Tu penses que personne ne te comprend et qu'il vaut mieux que tu fasses bande à part pour ne pas être déçue? Demanda le beau brun ténébreux.

Morgane se mit à rire.

« Peut-être bien. Inconsciemment, je dois être condescendante et totalement narcissique.

- Non, moi je ne crois pas » décréta Milo d'un air sérieux.

Il s'approcha de la jeune femme et s'assit sur le canapé, à côté d'elle.

« Je crois plutôt que tu n'aimes pas les relations de fausse courtoisie. Quand tu parles à quelqu'un, c'est dans l'espoir de partager plus. Tu détestes tout ce qui ressemble à du mensonge ou de l'hypocrisie car tu ne sais pas comment y faire face. Je crois que derrière cette audace que tu présentes, il y a de la sensibilité...

- Théorie très intéressante! L'interrompit Morgane en simulant la surprise. Tu as raté ta vocation de psychanalyste. »

Milo ne se soucia même pas de cette remarque destinée à atténuer le sérieux de la conversation.

" La dernière chose que je crois, c'est que je me suis trompé sur ton compte et que j'aimerais qu'on se connaisse mieux ».

Cette fois-ci, Morgane ne sut pas quoi répondre. Elle était captivée par le regard émeraude du beau brun qui lui déclamait ces belles paroles, empruntes cependant d'une certaine vérité qu'elle n'assumait pas. Milo avait un tact, un naturel et une gentillesse qui ne la laissaient pas indifférente.

« Décidément, tu es très surprenant Milo le cascadeur! ».

D'un seul coup, la porte du studio s'ouvrit dans un vacarme assourdissant qui brisa la magie opérant entre les deux personnes. La preneuse de son bouillonnante de rage s'infiltra à l'intérieur. La raison de sa mauvaise humeur la suivait de près, sautillant et chantant à tue-tête.

« Buffalo Soldier, Dreadlock Rasta, There was a Buffalo soldier in the heart of America, Stolen from Africa, brought to America, Fighting on arrival, fighting for surviva... ». *

Si le petit numéro de Chad avait beaucoup fait rire les techniciens au début, aujourd'hui ça leur était devenu complètement banal et ils passaient à côté du grand blond sans même le regarder. En revanche, « Bob » était toujours agacée de le voir lui tourner autour sans jamais se lasser.

« Bon ça y est, tu as fini??? Hurla-t-elle. Arrête de chanter, arrête de sourire bêtement et arrête de me poursuivre!!! Je n'en peux plus, tu me sors par les yeux! Alors vas jouer ailleurs et trouve quelqu'un que tes conneries amuseront plus que moi! Ok? »

Les deux premiers souhaits de la jeune fille furent exaucés sur le champ : Chad se tut et stoppa ses sauts de cabri. « Merci! » Lança sèchement la métisse excédé avant de lui tourner le dos.

Mais elle avait crié victoire trop vite...

« Woy yo yo! Woy yo yo yo! Woy yo yo yo yo yo yo yo! » reprit Chad fier de lui.

La pauvre technicienne étouffa un cri de rage avant de prendre la fuite, Chad sur ses talons.

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 * "Buffalo Soldier" de Bob Marley 

La scène n'avait pas échappé à Milo qui ne pu s'empêcher de rire face à la détresse de la demoiselle et la détermination de son ami. Morgane, elle, restait plus dubitative.

« T'ai-je déjà dit que je trouvais ton colloc' très bizarre? Dit-elle.

- C'est ce qui fait son charme, affirma Milo. Bon, je devrais peut-être reprendre ma place... On se revoit plus tard. »

Morgane acquiesça et le laissa partir. Le bourdonnement ambiant avait déjà repris et le réalisateur donnait ses premières indications pour l'après-midi.

Milo allait apporter son aide aux accessoiristes quand l'ouragan aux cheveux blonds se rua sur lui.

« Milo, sacré beau gosse! Qu'est-ce que tu fabriques? Demanda-t-il.

- Je travaille. Pourquoi ça t'étonne? Et qu'est-ce qui t'excites tant, dis-moi?

- Je ne sais pas ce que j'ai, mais je suis chaud-bouillant! »

Leur conversation s'arrêta net quand Jude Carter fit son apparition. Son regard croisa celui de Milo et elle dévia aussitôt de trajectoire. Ce stratagème n'échappa au pauvre garçon et encore moins à son camarade qui le fit clairement savoir.

« Mais franchement pour qui elle se prend celle-là?! »

Il avait délibérément prononcé cette phrase de manière forte pour que l'actrice puisse l'entendre. Pourtant, elle ne réagit pas et s'installa devant le miroir de la maquilleuse. Mais Chad n'était pas décidé à en rester là.

« Ouais, pour qui elle se prend la bêcheuse de petite actrice prétentieuse?

- Chad, laisse tomber, intervint Milo.

- Elle fait partie de l'élite, du gratin de la télévision alors elle ne peut pas se permettre de fréquenter le bas peuple! C'est ça? »

Cette manie qu'elle avait de faire comme si elle n'entendait rien exaspérait encore plus le jeune flambeur. Il se précipita vers elle et lui parla à quelques centimètres du visage.

« Surtout ne me répond pas : tu risquerais d'être éclaboussée par ma médiocrité! Puisque tu ne sais faire qu'écouter, alors écoute : peu importe ce que tu es ni ce que tu représentes, tu ne m'impressionnes pas. Si j'ai un problème avec toi, je n'aurai jamais aucun scrupule pour venir t'en parler en face. Je ne t'aime pas et je ne m'abaisserai jamais à te faire des louanges que tu ne mérites pas. Sitôt que j'aurais le dos tourné, tu t'empresseras d'aller tout cafter à la production ou bien à papa qui te fera un petit chèque pour te consoler en plus de t'avoir pistonnée pour rentrer ici... Je m'en fiche : au moins maintenant tu sauras ce que pense la majorité des gens qui sont obligés de travailler avec toi. »

La situation était sur le point de dégénérer. Jusqu'à présent Jude était restée froide et stoïque, mais si elle attaquait à son tour, Chad serait fichu. Milo assistait impuissant à cette dispute, ne sachant comment calmer le jeu sans s'attirer les foudres de l'un ou l'autre des protagonistes.

Morgane aussi était là, pas loin. Elle jeta un regard au grand brun pour l'inciter à intervenir : lui seul savait comment arrêter Chad. Il approcha enfin pour saisir fermement son ami par l'épaule et lui parler sans élever le ton :

« Chad, ça suffit maintenant. Viens. »

Le sulfureux blondinet ne protesta pas d'avantage et suivit son ami.

« Mes amitiés à Papa Carter » lança-t-il pour conclure.

Milo s'apprêtait à sermonner son camarade quand il surprit l'actrice quitter la pièce en courant. Aucun technicien ne leva les yeux.